Cryptomonnaie et régulation : recommandations de l’AMF

Suivi de la formation AMF : « PSAN de PACTE à MiCA ».

Les membres du Cabinet LIZEE AUCHER en charge des questions de cryptomonnaies ont suivi ce matin la formation proposée par l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) portant sur l’évolution du régime des PSAN (Prestataires de Service en Actifs Numériques).

Depuis bientôt un an, l’équipe droit des nouvelles technologies du Cabinet LIZEE AUCHER dirigée par Me Aurélien AUCHER accompagne des startups dans le domaine des cryptomonnaies afin de les aider à se mettre en conformité avec la réglementation française applicable à leur activité, et ce notamment dans le cadre des procédures d’enregistrement de PSAN auprès de l’AMF. 

Pour rappel aujourd’hui 8 à 12 % des Français investissent dans les cryptomonnaies.

Suite à l’entrée en vigueur de la loi PACTE, seuls 66 PSAN ont été enregistrés sur le territoire français et 2 ont fait l’objet d’un retrait par suite d’accidents.

Cependant, compte tenu de l’engouement récemment renforcé pour les échanges de crypto-actifs suite à la crise géopolitique affectant les relations entre l’Europe et la Russie, et face aux récents crashs ayant affecté certaines cryptomonnaies, il est devenu nécessaire de procéder à une uniformisation européenne des régimes règlementant les services destinés aux crypto-actifs.

Un règlement européen encadrant les crypto-actifs a donc été récemment voté par la Commission de la Politique économique de l’Union Européenne le 14 mars dernier : il s’agit du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets).

La loi DDADUE du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a été publiée le 10 mars dernier et comporte déjà des dispositions en lien avec MiCA.

En vue des prochaines étapes qui seront mises en place au niveau national pour tendre vers ce règlement européen, l’AMF a proposé aux conseils accompagnant des clients concernés par ce type d’activités de suivre une formation afin de les informer sur les prochaines étapes de transition.

Voici un bref résumé des éléments qui ont pu y être évoqués ce matin.


Passage des PSAN aux PSCA : début du régime transitoire à compter du 30 juin 2023

La formation proposée aujourd’hui par l’AMF a permis à nos équipes d’appréhender la période transitoire mise en place pour permettre la continuation des activités de nos clients jusqu’à l’entrée en application du règlement MiCA pour :

  • Les PSAN enregistrés (simples et renforcés) ;
  • Les éventuels PSAN agréés (à date aucun) ;
  • Les PSAN fournissant les services mentionnés à l’article 5° de l’art. 54-10-2 CMF ;

et ce jusqu’à la fin de la période transitoire (janvier 2025) ou jusqu’à ce qu’ils aient obtenu leur agrément PSCA (Prestataire de Service sur Crypto Actif) qui a vocation à remplacer le PSAN.

L’agrément PSCA comportera plus d’obligations et imposera notamment d’informer sur l’impact environnemental des crypto-actifs proposés (élément qui ne figurait pas dans les obligations antérieures des PSAN).

Dans ces conditions la finalisation du dépôt des dossiers « complets » d’enregistrement simple en qualité de PSAN prendra fin au 30 juin 2023.

Après cette date seuls les dépôts de PSAN enregistrement renforcés seront acceptés, les premiers enregistrements intervenant en janvier 2024 (nous aurons donc une période sans enregistrement entre juillet 2023 et janvier 2024, permettant le traitement des dossiers par l’AMF).

Il est donc urgent de finaliser votre dépôt de dossier complet avant le 30 juin 2023.


Extension des règles visant à sécuriser les marchés financiers aux marchés de crypto-actifs

Au-delà de ces informations portant sur le volet pratique de la nécessaire mise aux normes de nos clients poursuivant une telle activité et souhaitant la développer au niveau européen, ce webinaire a aussi mis en exergue les avancées du règlement MiCA qui permet d’étendre à la cryptomonnaie certaines infractions parfaitement connues dans les marchés financiers.

Il sera important de suivre la mise en place de ces normes dans notre droit interne notamment au regard des opérations accomplies sous le droit antérieur qui devraient bénéficier de la rétroactivité in mitius au regard du droit pénal (application de la loi pénale la plus douce).

Le règlement MiCA intègre enfin des dispositions visant à détecter et prévenir les abus de marché sur les marchés de crypto-actifs (délits et manquement d’initiés, informations privilégiées, manipulation de marchés…).

Ces dispositions s’appliquent à toute transaction ou tout comportement concernant des crypto-actifs admis à la négociation ou ayant fait l’objet d’une demande d’admission à la négociation que ce soit sur ou en dehors d’une plateforme de négociation.

Les plateformes de négociation de crypto-actifs et toute autre personne organisant des transactions sur crypto-actifs ont l’obligation de transmettre à l’AMF tout soupçon raisonnable qui pourrait indiquer qu’un abus de marché aurait été commis.


Les NFT exclus des crypto-actifs

Notons tout de même que le règlement MiCA n’a pas tranché la question régulièrement soumise à notre législateur, concernant la qualification des NFT (Non-Fungible Token) et le régime juridique à leur affecter.

A date, ces derniers ne sont toujours pas assimilés à des crypto-actifs au sens du règlement MiCA.

Tel était déjà le cas dans la loi PACTE du 22 mai 2019 qui créait la notion d’actif numérique à l’article L.54-10-1 du Code Monétaire et Financier[1].

On peut néanmoins s’interroger sur la qualification juridique qui devrait désormais primer pour les NFT :

  • Œuvres d’art virtuelles aux droits parfois limités (notamment quant à leur reproduction même par leur propriétaire) ils sont pourtant fiscalement exclus du régime applicable à leur cession (article 98 A de l’annexe 3 du CGI qui rappelle que les œuvres d’art doivent être impérativement « exécutées par la main de l’artiste ») ;
  • Les NFT constituent pour l’instant un bien divers au sens de l’article L. 551-1 du Code monétaire et financier.

Cependant au regard de certains produits récemment mis sur le marché et permettant de financer des projets à l’aide d’émission de NFT donnant des droits de vote s’assimilant presque à des actions, on se dirige progressivement vers un débat de qualification que le législateur ou la jurisprudence vont être contraints de trancher.

Précisons cependant que ce point n’a pas été développé lors du webinaire de l’AMF et constitue une simple réflexion de notre part.


Questions relatives à l’intérêt de rester sur le marché français

Pour conclure, le secrétaire général de l’AMF a alerté les participants sur les sirènes qui pourraient tenter certains prestataires de services sur crypto-actifs qui pourraient être incités à aller créer des filiales dans des pays moins exigeants en termes de normes protectrices : il a souligné qu’une lutte contre le forum shopping était déjà mise en place pour sanctionner notamment les entités factices implantées à l’étranger à seule fin de bénéficier d’un régime favorable et moins contraignant.

Cependant cela n’est encore qu’à l’état embryonnaire (même si de telles négociations ont déjà été menées dans le cadre du Brexit).

Il n’en demeure pas moins qu’en attendant ces avancées, la transposition du règlement MiCA risque aussi d’avoir des conséquences sur notre code de la consommation : dès lors, et même si le prestataire de service sur crypto-actifs se domicilie à l’étranger, notre cabinet estime que certaines juridictions pourraient être amenée à estimer que le droit français s’applique au consommateur français visé par ces services (compte tenu de la langue du site notamment, et de la nationalité de ses utilisateurs principaux, ou des publicités diffusées sur le territoire français visant ces plateformes d’échanges).

Nous recommandons donc à nos clients souhaitant cibler le marché français de s’astreindre au plus vite à ces exigences réglementaires qu’il ne sera pas possible de contourner et qui vont se renforcer dans les prochains mois et prochaines années.


[1] Pour rappel l’actif numérique comprend :

1° Les jetons (Token) mentionnés à l’article L.552-2 CMF à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionné à l’article L. 211-1 et des bons de caisse visés à l’article L. 223-1 CMF. Constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien.

A ce titre certains ont pu estimer que les NFT seraient bien des jetons / actifs numériques au regard de l’article L54-10-1 1°CMF, tandis que d’autres rappellent que cet article figure dans la réglementation des offres de jetons publiques portant sur des jetons rattachés à des valeurs mobilières (répondant au caractère de fongibilité qui en exclut d’office les NFT)

2° Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

Ce type d’actif numérique vise les crypto-actifs dont étaient déjà exclus les NFT : à ce titre rien ne change avec le règlement MiCA.

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